Les Historiens ont coutume de désigner sous l'expression "Révolution Industrielle" une période qui a complètement bouleversé l'histoire du Travail et des Travailleurs. Elle débute dans la seconde moitié du XVIIIème siècle et, donne naissance à la machine qui va petit à petit se substituer au travail à la main et nécessitera d'autres sources d'énergie que celles jusque là utilisées : les énergies musculaire, animale, éolienne et hydraulique seront progressivement remplacées par la vapeur.
Le terme de "Révolution" ne doit cependant pas faire illusion. En effet, les nouveaux modes de travail mécaniques eurent du mal à s'implanter et créèrent un doute, dans la mesure où ils menaçaient des situations acquises et des habitudes héréditaires. L'apparition des machines ne fut pas vue d'un bon oeil : les ouvriers craignaient de se voir privés de travail, d'être réduits au chômage et, leurs chefs se sentaient menacés dans leur position sociale et leurs privilèges.
Aussi, la résistance humaine à la révolution industrielle fut très active et, en partie au moins, effective : C'est ainsi qu'à Chalabre, les premières machines furent précipitées dans l'Hers, au "trou de machines". Un peu plus tôt, à Carcassonne, ce sont les tondeuses qui furent brisées, alors que dans la région de Mazamet on se prit à interdire l'usage de la "tombe".
Loin d'être générale, cette révolution n'affectât que certains métiers, au gré des techniques nouvelles. Ainsi, Filateurs et Tisseurs de laine continuèrent longtemps leurs pratiques traditionnelles dans les campagnes anglaises, françaises ou saxonnes : cinquante ou cent ans après l'apparition de la fameuse Jenny, les paysannes continuaient à filer le lin sur le rouet de leurs ancêtres.
Elle ne touchât aussi que certains pays. Limitées tout d'abord à l'Angleterre, les nouvelles formes de travail y furent jalousement gardées : la législation y prohibait l'exportation des nouveaux procédés industriels et ce n'est que vers 1825 que ces interdits furent levés. Certes, auparavant, il était difficile de préserver le secret et, avant la fin du XVIIème siècle, maintes inventions étaient connues sur le continent européen. Des voyageurs, comme le Français Faujas de Saint Fond, le Suédois Svedenstjerna, visitèrent les nouvelles installations et en rendirent compte dans le récit de leur voyage. Mais certains secrets étaient difficiles à percer et il fallut attirer à prix d'or des techniciens(Milne et Holken pour le textile, les frères Wilkinson pour la métallurgie) pour implanter des industries performantes sur le continent.
Plus d'un espion paya de longues années de prison, parfois même de sa vie, la transmission de renseignements réputés confidentiels. D'autres eurent plus de chance en utilisant de subterfuges tels que reproduction de plans de machines sur leur linge personnel, ou bien en usant de la complicité de pêcheurs.
En s'adjugeant le monopole des nouvelles formes de travail et par son avance technique, l'Angleterre connût une avance considérable dans la production industrielle. Les pays continentaux lui emboîtèrent le pas, avec un retard de plusieurs décennies que les guerres révolutionnaires aggravèrent.
Cette révolution industrielle se caractérise donc par d'une part l'utilisation de la vapeur et l'apparition de nouveaux procédés mécaniques.
1 - La machine à vapeur.
L'antique roue à eau, employée depuis des siècles à moudre le grain, puis vers la fin du Moyen Age, à mouvoir les maillets à fouler le drap, les soufflets et les martinets des forges, les pompes d'alimentation ou d'épuisement, prend au XVIIIème siècle une importance considérable. Mais l'utilisation de l'énergie hydraulique était aléatoire : sécheresse en été, gel en hiver, risques d'inondation aux autres saisons. Le travail qu'elle assurait ne pouvait être continu.
Aussi, depuis le début du XVIIème siècle, de nombreuses tentatives s'étaient multipliées pour trouver une utilisation pratique à la propriété qu'avait l'eau d'augmenter son volume au moment de l'ébullition. Les travaux de Salomon de Caus (1613) et de Denis Papin (1682) furent d'une grande utilité à Thomas Savery et Thomas Newcomen qui en 1705 construisirent la première "pompe à feu" capable d'épuiser l'eau des mines de cuivre de Huel Vor en Cornouailles. En 1720, cette pompe à feu possédait une forme et un mécanisme qu'elle conserva près d'un demi-siècle, utilisée qu'elle était à l'alimentation en eau potable de nombreuses villes.
Il manquait à cette pompe de produire une énergie mécanique, un mouvement capable d'actionner un mécanisme. James Watt dès 1769 apporta quelques modifications à cette pompe à feu, mais ce n'est qu'en 1782 que la machine à vapeur fut définitivement mise au point, par l'emploi de la force d'expansion de la vapeur. Dès lors, existait une source d'énergie mécanique, complètement indépendante des forces de la nature ou des caprices du climat, indépendante aussi des impératifs géographiques. Que fallait-il donc pour la faire fonctionner? de l'eau et du charbon.
La machine à vapeur fut rapidement connue sur le continent et, James Watt, ayant trouvé quelques commanditaires installa rapidement son invention dans des mines de charbon, pour l'élévation des eaux, et dans l'industrie métallurgique pour actionner la soufflerie des hauts-fourneaux. Il fournit, en 1779, aux frères Périer une pompe à feu , installée à Chaillot, pour le service des eaux de la ville de Paris. Ce n'est que tardivement que l'industrie textile, qui se satisfaisait de la roue à eau, l'adopta (vers 1785).
L'avènement de la machine à vapeur ouvre une ère décisive dans l'histoire du travail, en rendant possible la grande industrie moderne. Partout où l'on peut se procurer du charbon, il est désormais possible d'installer des industries, la machine à vapeur fournissant une énergie d'une puissance et d'une sécurité sans égales. Si le moteur hydraulique ne disparut pas, ce fut pour des raisons géologiques (pas de charbon) ou d'économie.
2 - Les nouvelles mécaniques textiles.
La machine à vapeur n'aurait pas modifié à ce point les conditions de travail si elle n'avait pas pu faire mouvoir des mécaniques dont la plupart lui sont antérieures, de peu d'années en général..
C'est dans la fabrication du coton, moins traditionnelle, moins réglementée, moins sclérosée que celle du lin et de la laine, que sont apparues les techniques nouvelles. Jusqu'au début du XVIIIème siècle, les étoffes de coton (cretonnes, indiennes, calicots, madapolams, ...) venaient des Indes orientales. Les ouvriers hindous produisaient des tissus d'une finesse et d'une beauté que les Européens avaient peine à égaler.
La première des inventions est celle de la navette-volante (flying-shuttle), due à John Kay, en 1773. Jusque là , les Tisserands ne pouvaient fabriquer de pièces larges sans le concours de deux ouvriers, faute de pouvoir passer la navette d'une main dans l'autre : force était de régler les dimensions des étoffes sur la longueur des bras du tisserand. John Kay imagina un système mécanique permettant de lancer la navette d'une extrémité de la pièce à l'autre, avec une facilité et une rapidité extrêmes.
Cette invention permit de tisser des pièces plus larges, une accélération sensible des opérations dans le tissage et une économie appréciable de main d'oeuvre, un Tisserand suffisant à réaliser la tâche de deux ou trois auparavant. Elle modifia donc profondément les conditions de travail et détruisit les conditions d"équilibre qui s'étaient instaurées entre la filature et le tissage, ces deux opérations complémentaires se pratiquant jusque là sur le même rythme. Les Tisserands commencèrent à manquer d'ouvrage, la production des filés n'ayant pas suivi celle des tissus.
La seconde invention est donc, logiquement, celle de la machine à filer. Elle ne fut mise au point que peu à peu et grâce à l'intervention de plusieurs chercheurs. John Watt et Lewis Paul seraient les premiers à avoir mis en oeuvre la première machine à filer (brevet en 1738), mais cette mécanique ne connut aucune application pratique. Hargreaves en 1765 perfectionna le rouet traditionnel et, par un perfectionnement de la broche, il permit au fileur de confectionner 8 fils à la fois, dans un premier temps, jusqu'à 80 un peu plus tard : le Spinning-Jenny avait vu le jour.
Richard Arkwright breveta en 1768 le water-frame, une machine à filer qui nécessitait la force motrice d'un manège de chevaux et donc une installation dans une fabrique ou un moulin.
Il manquait, toutefois, un progrès sensible à ces machines : le fil produit était peu tordu et manquait de résistance. Ne convenant qu'à une utilisation en trame, il fallait encore filer le fil de chaîne au rouet traditionnel. Après quelques améliorations, le water-frame permit la confection de fils plus robustes, qui bien qu'un peu grossiers, étaient parfaitement utilisables pour la chaîne. Grâce à la filature mécanique, il était possible désormais d'obtenir des tissus de coton bon marché. La filature mécanique s'imposa plus lentement dans les textiles à base de lin ou de laine.
Le Mule-Jenny de Samuel Crompton acheva, en 1785, de donner aux opérations de filature leur forme quasi définitive. Combinaison des deux machines à filer précédentes, cette invention permettait d'obtenir un fil à la fois solide et régulier, convenant aussi bien à la chaîne qu'à la trame et, adapté à toutes sortes d'étoffes. Rapidement perfectionnée, cette machine à filer fut mise en mouvement par des chutes d'eau ou une machine à vapeur, entraînant la décadence du système de filature domestique et, en contre partie, l'essor des fabriques. L'évolution technique venait de transformer une opération artisanale de filature en une opération industrielle.
Dans cette sorte de lutte de vitesse, la filature marquait des points sur le tissage. Un dernier progrès devait rétablir l'équilibre : l'invention du métier à tisser mécanique.
Dès la fin du XVIème siècle, des métiers mécaniques fonctionnaient en Europe, mais uniquement pour la confection de rubans. Les "métiers à la barre" ne donnait pas entière satisfaction. Edmund Cartwright trouva, par hasard, en 1764, la solution au synchronisme des différents mouvements du métier à tisser. Mais, à la différence des autres techniques, le métier mécanique ne progressa que lentement. Il lui fallut de nombreux perfectionnements, apportés par des mécaniciens et des tisserands professionnels, avant de pouvoir servir efficacement. La résistance à la machine fut difficilement vaincue et ce n'est que vers 1830 qu'on la vit supplanter, un peu partout, le métier à tisser à bras.
Quelques autres innovations modifièrent les conditions de travail dans l'industrie textile. Ainsi Joseph Marie Jacquard en perfectionnant les travaux de Vaucanson, facilita la production d'étoffes façonnées dès 1801
.
La découverte par Berthollet en 1787, des propriétés blanchissantes du chlore modifia les techniques de blanchiement des tissus de lin ou de coton : on n'étend plus les pièces sur prés pour les exposer aux rayons du soleil et à l'action de la rosée; il n'est plus nécessaire de bouillir les pièces dans une solution de cendres, puis dans du lait suri..
Dès les premières années du XIXème siècle, les techniques qui ont régénéré l'industrie textile, sont d'une application courante. Peu de novations par la suite, mais des perfectionnements réguliers et continus sont apportés aux diverses machines : le métier à filer supporte de plus en plus de broches, devient entièrement automatique. Le métier à tisser devient plus rapide et s'automatise rapidement, au point que vers 1850 on confie 4 métiers à tisser à la surveillance d'un Tisserand.
Une seule activité textile a mis du temps à s'industrialiser et il à fallu attendre la moitié du XIXème siècle pour voir apparaître les premières peigneuses mécaniques. : celle de Josué Heilmann en 1845 à Mulhouse, celle de Hubner en 1851 dans la même ville et celle de Noble en Angleterre, utilisables aussi bien pour la laine, que pour le coton ou le lin. Les procédés de peignage mécanique eurent de grandes conséquences sur le travail textile et, donnèrent leur essor à des centres manufacturiers tels que Roubaix, Reims, München-Gladbach, Leeds, Bradford, ...
參考: le matou d'internet